C'est sans doute la vocation du romancier, devant cette grande page blanche de l'oubli, de faire ressurgir quelques mots à moitié effacés, comme ces icebergs perdus qui dérivent à la surface de l'océan.
Elle a pris son stylo
Avec une envie avide de mot
Mais rien n’est venu
La mine toisant le papier, suspendue
Elle a patienté quelques instants
A épelé des mots qu’elle trouvait marrants
A gommé au moins six fois
Puis a fermé le carnet avec désarroi
Plus un mot, plus une lettre pour cette poète
Plus rien ne sort, malgré l’encre qui guette
Comme si plus rien n’était trop beau
Ou que le moche faisait facho
Manque-t-elle de printemps ou d’été
Pour s’émerveiller sur le papier ?
Est-ce l’automne ou l’hiver
Pour qu’hibernent ses vers ?
Rien, toujours rien
Elle procrastine pourtant bien
Espérant que chaque jour qui passe
Fera renaître sa plume qui s’encrasse
Comme une enclume dans le cœur
Elle se sent couler dans les profondeurs
L’encre qui faisait ruisseler sa vie
S’est fait ancre qui l’alourdit
Est-ce le temps ou la volonté
Qui lui manquent pour s’y atteler ?
Est-ce des plaies encore suintantes
Qui la retiennent, qui la hantent ?
Une énième vague de larmes
L’engloutit et la désarme
Et tant pis pour l’heure et la fatigue,
Il est temps pour elle qu’elle navigue
C'est son stylo boussole
Qui de nouveau la console
Elle a pour toute lanterne
La langue de Jules Verne
Son carnet abîmé par l’émotion
Témoigne par ses pages, de sa passion,
De son cœur meurtri, toujours à l’affût,
Au silence trop soumis, et qui n’en peut plus
Semblant être calmée, elle se masse la main
Et relit, harassée, les mots de son chagrin
Au loin dans le miroir, je reconnais une perle
Revenue dans son regard, comme la gaieté d’un merle.
Le 18 mars 2020